C'est bien connu, l'herbe est toujours plus verte du côté du voisin. C'est sans doute pour cela que le travail frontalier fait rêver : on imagine que les conditions de travail sont meilleures de l'autre côté de la frontière, et quand, en plus, les voisins parlent la même langue que vous, il n'y a plus à se poser de questions.
Mais arrêtez-vous deux minutes. Est-ce vraiment aussi simple ? Nos réponses.
Travail frontalier, quelle organisation ?
Entre pays de l'Union européenne, c'est a priori très simple : l'Europe a été créée pour faciliter les échanges. Les citoyens européens sont donc libres de travailler dans un autre État de l'Union sans pour autant avoir l'obligation de s'y installer.
La France métropolitaine a 6 pays frontaliers : l'Allemagne, Andorre, la Belgique, l'Espagne, l'Italie, le Luxembourg, Monaco, et la Suisse. Vous n'avez donc que l'embarras du choix.
Droit du travail et travail frontalier : aucun problème !
En matière de droit du travail, habiter dans un pays ou un autre n'a aucun impact :
- Le travailleur frontalier est soumis à la législation de son pays d'emploi en matière de droit du travail et bénéficie des mêmes avantages sociaux et fiscaux que les locaux, notamment en matière de rémunération et de licenciement.
- En Suisse, en revanche, les travailleurs frontaliers ne peuvent pas se baser sur le droit européen. Des accords bilatéraux ont facilité la vie des étrangers frontaliers en Suisse, mais ils doivent obtenir un permis de travail en Suisse pour avoir, effectivement, le droit de travailler en Suisse. Les frontaliers de nationalité suisse n’en ont, par contre, pas besoin.
Pour la couverture santé : comment ça marche ?
Le travailleur frontalier est assuré dans le pays où il exerce son activité professionnelle.
Exemple : un citoyen français résidant en France mais travaillant à la frontière luxembourgeoise paie ses cotisations sociales au Luxembourg et est assuré au Luxembourg.
Reste que, pour ne pas rencontrer d'obstacle aux soins de santé, les travailleurs frontaliers ont accès aux soins dans leur pays de résidence comme dans leur pays de travail. Ils bénéficient donc :
- d'un double droit aux soins ;
- de deux cartes d'assurance maladie.
Ainsi :
- s'ils sont soignés en France, ils seront pris en charge par l'assurance maladie française ;
- s'ils sont soignés en Belgique, ils seront pris en charge par l'assurance belge ;
- il en est de même pour leur famille et les personnes qui sont à leur charge.
À noter : en Suisse, c'est différent, l'employeur ne finance pas l'assurance maladie de ses salariés, qui doivent souscrire un contrat d'assurance privé.
Un accord franco-suisse de 2016 met en place un dispositif afin d'éviter une double affiliation des frontaliers :
- Un frontalier qui souhaite bénéficier uniquement de l'assurance maladie française doit présenter une demande d'exemption du régime helvétique entre le 1er octobre 2016 et le 30 septembre 2017. Au-delà, il sera soumis exclusivement au régime suisse.
- Un frontalier qui souhaite conserver uniquement l'assurance maladie suisse peut se faire radier de l'assurance maladie française en présentant à la CPAM française un formulaire S1 émis par la Suisse.
À noter : la personne résidant en France qui est affiliée à l’assurance maladie obligatoire en Suisse au titre de l’activité qu’elle exerce dans cet État ne peut pas être affiliée au régime français de sécurité sociale ou doit en être radiée à sa demande, peu important l’antériorité de son affiliation au régime français (Cass, 2e civ., 15 mars 2018, n° 17-21.991).
Impôts des travailleurs frontaliers
Il n'existe pas d'accord communautaire général régissant l'imposition des travailleurs européens frontaliers.
Toutefois, des conventions bilatérales de double imposition ont été mises en place par les États, visant notamment à éviter la double imposition des revenus transnationaux, une fois dans l’État membre de travail et une seconde dans l’État membre de résidence :
- Les règles et critères applicables varient d'un pays et d'un accord à l'autre, parfois dans l’État de résidence, parfois dans l’État du lieu de travail ou dans les deux.
- Ces conventions imposent au travailleur de résider et de travailler dans une « zone frontalière », définie de manière particulière dans chaque accord, en général une vingtaine de kilomètres de part et d'autre de la frontière.
Bon à savoir : le prélèvement à la source est mis en place en France à compter de 2019. Pour les salaires de source étrangère imposables en France, l’administration française prélève des acomptes directement sur le compte bancaire du contribuable frontalier. Connectez-vous pour cela au site Impôts.gouv.fr, puis dans votre « espace particulier », et cliquez sur « gérer mon prélèvement à la source ». Concernant les frontaliers dont les revenus sont déjà imposés à l'étranger, ils ne sont pas concernés par le prélèvement à la source.
Droit au chômage des travailleurs frontaliers
Les allocations chômage sont versées par l’État de résidence, sauf en cas de chômage partiel. Dans ce cas, c'est l’État du lieu de travail qui intervient.
À noter : l’État de résidence tient compte des périodes travaillées à l'étranger, en vertu des accords communautaires.
Droit à la retraite des frontaliers
En vertu des accords communautaires :
- les trimestres travaillés dans un État de l'Union européenne sont reconnus et pris en compte par l’État de résidence dans le calcul des allocations, sans que la localisation du dernier emploi ait un impact, et selon les barèmes de l’État de résidence ;
- à la différence des allocations chômage, la retraite cotisée à l'étranger est reversée par l’État qui en a perçu les cotisations : le travailleur frontalier doit simplement en faire la demande auprès de la caisse de retraite, dans son pays de résidence ;
- c'est sa caisse qui se charge du transfert des formulaires de liaison en direction des organismes compétents des autres pays concernés.
Travail frontalier : est-ce rentable ?
En général
Ça dépend :
- Il arrive qu'un pays offre des perspectives de travail intéressantes, même si les taux de chômage sont importants de part et d'autres.
- Comme c'est aussi le lieu de résidence qui favorise l'intégration, les personnes qui ont envie de développer un réseau finissent parfois par décider d'habiter dans le pays où ils travaillent, les bénéfices à habiter de l'autre côté de la frontière n'étant jamais très importants.
- Car avant de faire votre choix, rappelez-vous aussi qu'il n'y a pas que l'argent qui compte : la qualité de vie, les transports quotidiens, la vie quotidienne de votre famille sont autant de facteurs à ne pas négliger avant de faire votre choix.
Cas de la Suisse
La Suisse a longtemps fait rêver, par exemple. Mais le rêve devient-il une belle réalité ?
- Les travailleurs frontaliers sont parfois moins bien payés que les résidents.
- Ils sont parfois mal acceptés par les locaux, surtout depuis que le chômage augmente dans le pays.
- La dépréciation du franc suisse face à l’euro a un impact direct sur le pouvoir d’achat des frontaliers qui sont payés en francs suisses mais dépensent en euros.
- Le prix de l'immobilier n'est pas forcément moins cher en France.
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